Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/138

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Je me souviens, sur la Mana, du saut Ananas où, le courant étant trop fort, nous avons tiré le canot par terre. Oui, mais nous étions douze !…

Pourquoi pas ? J’installe les rondins sur la plate-forme, bourre les creux des roches de mousse et d’herbes, amarre le canot à l’arrière à un arbre mort, donnant suffisamment de mou à la corde et, saisissant l’avant, tire de toutes mes forces. Ça vient, ça vient jusqu’à moitié ; l’arrière a plongé dans l’eau, le canot étant à 60° environ. À l’aide de grosses pierres installées à l’avant, je fais contre-poids ; l’arrière, plein d’eau se soulève un peu ; je soulage en tirant sur la corde passée sur une branche surplombant la plate-forme. Millimètre par millimètre l’arrière du canot dépasse la surface de l’eau ; j’amarre la corde, écope l’arrière. Le canot, maintenant allégé, je tire de toutes mes forces… rien, c’est coincé ! Je tire tellement qu’une douleur à l’aine me fait craindre une hernie. Je donne une légère oscillation de gauche à droite, puis de bas en haut et peu à peu le canot avance, roule sur les rondins… le voici en entier sur la plate-forme. Oh ! hisse… crac !… la planche de traverse sur laquelle je forçais cède… me voici à l’eau, je remonte. Enfin, le canot est de l’autre côté du saut ! Mais, alors que je vais l’amarrer, je perds pied sur une roche moussue et voilà le canot filant vers le saut. J’ai la corde en main, je cherche, trouve une faille, y coince mes pieds, bande les muscles et réussis à subir la secousse, la corde tendue à craquer. Je hale lentement le canot sur la berge, l’amarre solidement… Ouf ! ça y est… Je suis crevé, saignant, mes mains sont ouvertes, mes jambes balafrées ; je ne sais demain comment je ferai pour reprendre la pagaie. Tout de même, j’ai réussi à saisir le sens du courant et à me