Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/148

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— Hou… hou, Indiens, sauvages là-bas !

Nous avançons lentement ; il pleut toute la matinée puis, l’orage passé, le soleil nous tanne.

Vers dix heures, sur un îlot, à un coude de la crique, face à un terrain découvert, j’aperçois deux ou trois carbets et un boucan. Certainement le camp de la mission Hurault.

Deux heures plus tard arrivons à « Gros Saut » difficile à franchir vu la baisse des eaux malgré la pluie. Nous carbettons là. Journée de repos. Tout près de l’îlot où j’ai installé mon hamac, nouveaux vestiges de campement de la mission Hurault.

L’inaction amène rapidement le cafard… le moral est mauvais. J’ai peur, ma parole ! J, e me demande bien de quoi ? Je suis encore tout proche du Maroni, je sui accompagné. Alors… ? C’est bizarre, je sens cette peur de l’inconnu m’étreindre mais je sais aussi que je pénétrerai cet inconnu car une force extraordinaire m’anime inconsciemment, presque malgré moi. Il y a lutte constante. Aller de l’avant ? Abandonner ? Abréger ? ou trouver un échappatoire ? — J’ai même envie de tomber sérieusement malade pour trouver un prétexte valable d’abandon. D’autres fois… Oh ! je ne sais, je pense à mes parents sans arrêt. J’agis mal envers eux. Cette peur, ne serait-ce plutôt la sensation d’un remord intense de les faire souffrir de mon éloignement ?

Je prie très souvent maintenant, je sens le besoin d’avoir la foi. Mais c’est dur tout de même. Oh ! mon Dieu ! Cette nature est tellement hostile, l’avance est si lente. On se sent seul, terriblement perdu, loin du monde où l’on a l’habitude d’évoluer. On désespère de voir la fin, d’arriver un jour. Quelquefois, de la rivière, je regarde avidement la forêt, ce fouillis glauque et infi-