Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/194

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libre et primitive que tout homme désire goûter ne serait-ce que quelque temps.

…L’exploration, pour moi, c’est une aventure de pureté et d’humilité…

Heureusement j’ai mon carnet de route, j’y note tout ce qui me passe par la tête à tous les instants. Parfois, la nuit, à la lueur d’une bougie collée sur une boîte que j’installe sur mes genoux, couché dans le hamac ou bien à la flamme ranimée du boucan, j’écris beaucoup, petit carnet à la couverture sale, aux pages tachées qui me font revivre au jour le jour les aventures passées, me donnant le courage d’affronter celles à venir.

Le vente souffle en rafales sur les cimes, les feuilles mortes s’écrasent lourdement, des graines aussi avec un bruit de détonation, des branches mortes et puis de grands arbres, les palmes bruissent, les feuilles de Palou se choquent, les ramures grincent, un arbre achève de tomber, entraînant dans sa chute d’autres arbres et le tonnerre de ces écroulements se confond avec celui du ciel. C’est la pluie en forêt qui commence par le vent puis écrase aussitôt de son crépitement continu les feuilles formant plafond qui, elles, s’égouttent peu à peu ou bien en cataracte lorsque la brise les agite. Lavés, les verts prennent des teintes fortes et leur brillant semble artificiel.

Il pleut, nouveau prétexte pour ne pas partir aujourd’hui. La paresse m’a tenu au camp toute la journée à vaquer d’un côté et de l’autre ; j’avais une faim de loup. J’ai dévoré le hocco boucané, maintenant, il ne me reste plus rien. J’ai encore faim et la forêt est vide de tout gibier. Je suis allé chasser, reconnaissant la piste que je prendrai demain. J’entends des oiseaux sans les voir, des fuites dans les broussailles, je cher-