Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/193

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bien encore la nécessité de s’accorder un jour de repos et partir ensuite en pleine forme. Ce n’est pas la fatigue, ni le mal aux pieds, ni le besoin de repos, ni les bretelles du sac qui me laissent allongé dans le hamac à rêver et à écrire. C’est le cafard tout simplement qui s’installe et ne vous lâche plus cependant que le boucan fume, auprès duquel Boby repu sommeille, entouré des reliefs de notre festin dont le hocco fut l’atout. Ah ! qu’il est dur, lorsqu’on est seul, de vaincre le cafard. Je sens cependant que la cause ne provient pas de ma peine personnelle, ni du raid, ni de la solitude en forêt. C’est d’abord penser à eux deux, seuls dans la salle à manger, les imaginer tristes, malades peut-être, c’est l’envie de respirer l’odeur du tabac de papa, de la cuisine de ma man, frotter ma joue à sa barbe, lui dire que Je l’aime et puis… elle… la cajoler, l’embrasser comme je ne sa vais pas le faire auparavant ; je les vois… je les sens tout près de moi par la pensée, mais je sais aussi que ma piste est terriblement longue et que bien des fois le soleil se lèvera haut sur la forêt avant que je ne puisse, débarquant à la coupée les serrer dans mes bras.

J’ai un peu honte de ma faiblesse, je me sens lâche, geignard, et pourtant, je suis un homme, j’ai un cœur qui peut et sait aimer. Je ne suis pas la bête courant le bois rechercher sa pâture. Qu’ai-je à attendre ici en fait d’amour ?

En moi se disputent ce besoin constant d’affection, de solitude et en même temps du risque de l’aventure. Personne pour me tendre la main, m’encourager ou me sourire, je monologue, je m’injurie, il faut sortir de ces rêves et de cette inertie… foncer. Lorsque je ne pense pas, je suis heureux, vivant pleinement de la vie pure,