Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/196

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avec l’arabesque torturée de lianes grosses comme le bras, couvertes de mousses vertes et veloutées, parfois piquées d’une fleur blanche ou rouge et puis les fils de harpe des lianes minces qui accrochent le fusil ou le sac, celles rampantes qui font trébucher et s’étaler, et puis des trous et des lits de criques à sec où l’on sent le sol mouvant céder et vous happer. Parfois une montagne, les arbres plus espacés, colonnades immenses et droites annihilent le sous-bois désordonné, lui levant sa lumière, jaunes, vertes, rouges, noires, colonnades grosses comme des piliers de cathédrale, tout d’une pièce, et l’œil cherche, sans trouver, les premières branches qui s’étalent à cinquante mètres du sol. On se sent infiniment petit, écrasé par l’infinie grandeur de ces perspectives silencieuses où, seul, le bruit de vos pas écrasant l’humus, éveille quelque bruit.

Mais après la montée, il y a la pente, puis le marécage avec ses bouquets de « palous » et ses épineux qui accrochent et piquent avec hargne. Le silence, à la fin, vous serre le cœur ; haletant, vous arrêtez la marche, on écoute… un faible chant du minuscule zozo-mon-père, et puis votre respiration. Boby, aboyant, me fait sursauter.

Voici la nuit et le sommeil qui, comme à l’ordinaire, me fuit, laissant venir les rêves, dangereux quoi que l’on fasse pour les éviter. Ils arrivent en foule, défilent, il n’y a plus de forêt, de carbet, de boucan… on est là-bas, on s’endort vivant là-bas… puis il y a le réveil, et c’est le plus pénible. Il est nuit encore, mais l’on sait où l’on est. On attend que le ciel s’éclaircisse, impatient de bouger, de fatiguer, d’oublier ses rêves.

Une sorte de découragement et aussi une mollesse vous envahissent, contre lesquels il est difficile de lutter.