Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/207

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me réconforte. Et puis, il y a le grondement terrifiant d’une troupe de singes rouges, un cri de terreur, un appel angoissé de l’oiseau de nuit dérangé. Tout ça est un cauchemar ? Je vais m’éveiller chez moi, mangeant à ma faim, sauvé ?

Je pense que je vais mourir ainsi, je sens la panique me gagner sans raison. Oh ! nuit interminable, la peur me transforme en loque. J’essaie de réagir, j’allume une bougie, je fume, je m’occupe. Je voudrais écrire longtemps pour me calmer les nerfs mis à vif par l’insomnie. Ah ! ces réveils ! Toutes les nuits, c’est la même chose ; le petit jour ne filtre pas encore ; je me réveille au milieu d’un repas parmi les miens, je mangeais si bien et ils étaient si gentils avec moi.

Seul, seul, seul, avec cette sacrée faiblesse. Tout à l’heure il va falloir replier le hamac. Charger le sac dont les bretelles de corde creusent les épaules, trébucher à nouveau, interminablement, sur la piste. Il faudrait aller de l’avant, déchiré par les épines, harcelé par les mouches et je ne sais pas encore si aujourd’hui je pourrai manger !

Je me suis levé au milieu de la nuit et j’ai mangé le rable de la tortue, incapable de résister à la faim.

Combien me reste-t-il encore pour arriver au Tamouri ? 15 km. ? 20 km. ? Je ne sais pas car je n’ai plus le courage de compter mes pas et la carte jaune ne mentionne que des distances approximatives et celles que je couvre quotidiennement sont infimes. Oh ! Dieu, ce calvaire ne prendra-t-il donc jamais fin ? Oh ! si j’étais chez les Indiens, combien cette route aurait été belle, sachant qu’à sa fin il y a un village et des hommes dont j’aime à partager la vie. Je rêve de leurs feux