Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/206

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le tirer. Puis c’est la nuit, il pleut. Tout proches, des singes rouges hurlent.

Jeudi 22 Décembre.

Je pars avec le sac au dos. Faiblesse, lassitude, dysenterie. Je marche autant que je peux, j’ai gardé l’arrière-train rôti de la tortue pour ce soir mais j’ai une envie folle de le dévorer et je me contiens avec peine.

Cette faiblesse dans les jambes m’inquiète. Pourvu que ça tienne jusqu’au Tamouri. De toute manière, le repos n’y fait rien, ce n’est donc pas de la fatigue, peut être la conséquence de la sous-alimentation et de l’effort physique constant sous un climat pénible.

Pour m’entraîner à marcher, je parle tout seul, j’essaie de chanter, je siffle… Ça m’essouffle ; alors j’essaie de penser à la belle aventure des Tumuc Humac, aux Indiens, à l’inconnu que je vais découvrir… pour tromper l’envie de m’étendre et de ne plus bouger !

À la nuit, je campe en pleine forêt et soudain toutes les voix du bois se mettent à hurler, en même temps que gronde l’orage et que s’abattent les arbres morts. Je dors, je rêve et puis je m’éveille en sursaut et alors je sens la peur, l’angoisse. Je me sens si loin de tout, perdu, seul, sans forces pour continuer mon chemin, livré à la maladie. La terreur s’empare de moi ; le hamac noyé sous le déluge, la bâche ployant comme une poche sous la cataracte s’égoutte sur ma couverture. J’ai envie de pleurer et, tout bas, je dis : « Maman ».

Les crapauds-buffles croassant mettent mes nerfs à vif, un jaguar gronde et Baby inquiet gratte la moustiquaire Je le prend avec moi dans le hamac. Sa présence