Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je plie le hamac, ferme le sac à dos, couvre le tout d’une bâche. Allons ! en route pour la belle aventure ! Le courant m’aidera ; fatigué, je me laisserai porter ; sur fond bas, je marcherai. Les routiers m’avaient totémisé « Otarie » et bien, ce sera la première fois qu’une otarie courra les rivières de Guyane. Je suis bon nageur j’ai confiance en moi. Quant aux périls !… on les verra venir s’il y en a, mais s’ils sont ceux de la forêt, il sont insignifiants.

Je pars en short tout simplement ; la nuit, je dormirai sur un rocher, allumant un grand feu pour me réchauffer et, lorsque je serai fatigué, je reposerai sur les berges. Ma foi, on a bien traversé le Pas-de-Calais !…

Un peu froid, un peu faim : je n’y penserai guère avec la fatigue et la volonté d’arriver à tout prix.

Arriver ou crever : il n’y a pas d’autre solution… J’arriverai !

Je sens que ça va être une expérience extraordinaire. N’est-ce pas là, en effet, la véritable vie primitive qui me séduit. L’homme civilisé transformé en amphibie dans les rivières de Guyane ! Sans autre recours pour vivre que son adresse, sa force, sa volonté, sans arme à feu, demi nu, sans abri… Ça devient passionnant, m’emballe, je m’enthousiasme… Je ne regrette plus le naufrage du radeau, le canot creusé dans l’arbre… Ces quelques jours de navigation sans histoire ne m’auraient pas appris grand chose. Mais là vraiment seront réalisés mes rêves et je serai à même de noter toutes les réactions au cours de cette expérience humaine.

Que le jour tarde à se lever ! qu’il fait froid ! Je pense écrire une lettre pour mes parents et la déposer sur le sac au cas où…