Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/260

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songer : mes pieds nus et en mauvais état, mon sac tenant par miracle…

Je pense partir alors suivant la rivière mais non suivant les bords par trop marécageux et inextricables mais par le lit de la rivière, en amphibie, tantôt nageant, tantôt marchant. Il y a soixante-quinze kilomètres à couvrir. À pied, moyenne : 2 kilomètres par jour ouvrant la piste, il faut quarante jours — ainsi, moyenne : dix kilomètres (il en faut huit, dix au maximum).

Dix jours où je ne mangerai certainement pas car inutile de songer à emporter la carabine pour cette tentative. Je ne puis compter que sur la Providence qui me donnera l’occasion de sabrer un crocodile endormi sur une plage, un serpent sur sa liane, harponner une raie sur un fond bas ou un aïmara dormant entre deux roches… le tout fort aléatoire. Il reste les pinots qu’avec quelque chance je pourrai rencontrer… même sans manger je pense pouvoir tenir car je veux arriver.

Je n’ai perdu que trop de temps ; je sais que cela sera dur mais quel plaisir de risquer si belle tentative ; seul, un tel risque vaincu amènera une pleine satisfaction à la terminaison de la jonction Ouaqui…Camopi.

Et soudain, cette idée me séduit tellement que je suis debout, attendant que la brume se dissipe, que le jour se lève afin de la mettre à exécution. Tout d’abord, voyons l’équipement : sac étanche de l’appareil photo, — dedans un couteau, allumettes, encens, mon anorak, une ligne et hameçons, une seringue, deux ampoules de sérum anti-venimeux, pipe, tabac, crayon, carnet de notes, quinine et carte. Bien ficelé sur le dos, ça ira… Le sabre de même, retenu par une corde fixée au cou.