Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/54

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rejoindre le groupe là-haut. Il est difficile de marcher en short, sans chemise et pieds nus sur un sol recouverts de branches épineuses, de lianes, d’herbes coupantes. Je m’en sors tant bien que mal et, croyant avoir suivi le fleuve un kilomètre, ayant dépassé le rapide, je rentre à nouveau dans l’eau. Boby est hésitant, il vient tout de même. Au milieu du fleuve, le courant violent nous entraîne irrésistiblement vers le rapide. Boby disparaît, happé par un tourbillon, reparaît, disparaît à nouveau. Je suis ce même chemin, recommandant mon âme à Dieu. Impossible de nager ; les pieds en avant, je me laisse emporter. Une roche ! un coup de reins… je l’évite, réussis à saisir une aspérité, me bisse dessus ; Boby est là. J’appelle. Le bruit du saut couvre ma voix. Craignant de me perdre, je décide alors d’emprunter le chemin le plus rapide pour arriver au canot : me laisser aller avec le courant, suivi de Boby. Nageant et sautant de roches en roches, les pieds et les main en sang, à demi suffoqués parfois, nous arrivons sur un canot éventré, piqué sur un rocher dans une sorte de tourbillon violent.

Nous sommes happés, précipités, Boby a disparu : je crois me briser le crâne sur la coque de l’embarcation : un miracle ! je m’y accroche, me repose un instant, aperçois nos canots tout proches, maintenant et les canotiers suivant mes péripéties avec intérêt.

Je retrouve des forces, pars dans le tourbillon, nage vigoureusement, évite les obstacles, arrive aux canots, emporté par le courant, les dépasse, m’accroche aux racines d’un palétuvier. Je suis sauvé. Boby est déjà arrivé et assis sur son derrière, la tête penchée, le poil trempé, me regarde avec des yeux follement expressifs :

— On l’a échappé belle, hein ! mon vieux !