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Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/63

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« morphos », papillon d’un bleu azur brillant, splendide quoique fort commun en Guyane et coté trente cents sur le marché américain qui en consomme énormément pour les ateliers de maquillage d’Hollywood ». C’est en se livrant à la chasse aux morphos que de nombreux bagnards libérés se sont enrichis.

Après le Saut Naï, voici le saut Aïmara, franchi encore par un bistouri. Le soleil darde dur dans le canot ; n’ayant pas de prélart pour nous abriter, nous rôtissons littéralement et l’épiderme passe du rose au rouge vif et du rouge vif au noir. Nous sommes tannés comme des Indiens et le thermomètre centrigrade hésite entre 55 et 60°. La réverbération est intense. Une panne vers deux heures de l’après-midi arrête le canot de tête et amène une diversion. À l’ombre des grands arbres de la berge nous accostons pour réparer. Le moteur est mis à terre sur une bâche, démonté, ausculté.

C’est alors qu’un bruit de moteur annonce l’arrivée prochaine et inattendue, d’autres canots-moteurs. Ils sont deux, surgissant du coude de la rivière, immenses, jaugeant au moins soixante barils, c’est-à-dire le double des nôtres.

À notre vue, ils ralentissent et viennent accoster bord à bord avec nos canots. Des Saramacas, des Créoles, une femme… on serre les mains, on échange les nouvelles, on distribue le courrier car ici les P.T.T. sont inexistants et les lettres sont confiées au bon vouloir des gens qui montent ou qui descendent la rivière et se transforment en facteurs occasionnels et bénévoles. De ce fait, le courrier met parfois cinquante à soixante jours pour arriver à destination ; peu importe, pourvu qu’il arrive, et en général, il arrive.