Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/74

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On me sert le tafia et puis on me demande des nouvelles de la prochaine guerre.

La dernière, ils l’ont ignorée ; de celle-ci, ils en ont peur, craignant de manquer de vivres… et ici, sans vivres, c’est-à-dire sans boîtes de conserves venant du littoral, c’est la famine car il y a très peu d’abatis, les récoltes sont maigres, la chasse, la pêche, insignifiants.

La viande vaut un gramme d’or le kilog et chez tous les commerçants, dans tous les carbets, on peut voir les petites balances qui servent à peser le minerai. Il faut voir avec quelle dextérité les gens, cassent de petits morceaux d’or (de l’or amalgamé encore avec du mercure et qui s’effrite sous la pression des doigts, de l’or sale, sans éclat, à peine jaune. 1 gr. 2, 2 gr. 3/4 : on ne rend pas la monnaie. Le client fait toujours l’appoint et le porte-monnaie est un petit flacon soigneusement bouché, une petite boîte d’aluminium, un papier pincé…

Quelle minutie dans la pesée ! Les gros doigts du mineur piquent d’infinies parcelles de minerai pour compléter un gramme et le commerçant tapote le plateau pour mieux détacher la poudre d’or dans un carré de papier qu’il plie en quatre avant de le mettre dans sa caisse.

L’or se vend couramment trois cent soixante-quinze francs le gramme alors qu’il n’était qu’à deux cent quatre-vingt il y a quelques mois à peine. Mais transformé en bijoux, il revient à huit cents francs et les Guyanais se plaignent du bon temps où le gramme valait dix francs (il n’y a pas tellement longtemps) et où leurs femmes allaient couvertes de bijoux barbares d’un poids extravagant ou de superbes ciselures, une dentelle d’or ! spécialité des orfèvres Guyanais et dont, hélas, on perd peu à peu le goût pour copier les modèles de la Métropole.