Page:Maupassant, Des vers, 1908.djvu/130

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Pour vivre chaque jour et dormir chaque soir
Auprès de ce magot qui vous a profanée ?

Quoi ! Pourriez-vous avoir un instant de remords ?
Est-ce qu’on peut tromper cet avorton bonasse,
Eunuque, je suppose, et d’esprit et de corps,
Qui m’étonnerait bien s’il laissait de sa race ?

Regardez-le, madame, il a les yeux percés
Comme deux petits trous dans un muid de résine.
Ses membres sont trop courts et semblent mal poussés,
Et son ventre étonnant, où sombre sa poitrine,

En toute occasion doit le gêner beaucoup.
Quand il dîne, il suspend sa serviette à son cou
Pour ne point maculer son plastron de chemise
Qu’il a d’ailleurs poivré de tabac, car il prise.

Une fois au salon il s’assied à l’écart,
Tout seul dans un coin noir, ou bien s’en va sans morgue
À la cuisine auprès du fourneau bien chaud, car
Il sait qu’en digérant il ronfle comme un orgue.

Il fait des jeux de mots avec sérénité ;
Vous appelle : « ma chatte » et : « ma cocotte aimée »,
Et veut, pour toute gloire et toute renommée,
Être, en leurs différends, des voisins consulté.

On dit partout de lui que c’est un bien brave homme.
Il a de l’ordre, il est soigneux, sage, économe,
Surveille la servante et lui prend le mollet,
Mais ne va pas plus haut… Elle le trouve laid.