Page:Maupassant - Émile Zola, paru dans Le Gaulois, 14 janvier 1882.djvu/3

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beaucoup de tableaux italiens du seizième siècle, sans être belle, présente un grand caractère de puissance et d’intelligence. Les cheveux courts se redressent sur un front très développé ; et le nez droit s’arrête, coupé net, comme par un coup de ciseau trop brusque, au-dessus de la lèvre supérieure, ombragée d’une moustache noire assez épaisse. Tout le bas de cette figure grasse, mais énergique, est couvert de barbe taillée près de la peau. Le regard noir, myope, pénétrant, fouille, sourit, souvent méprisant, souvent ironique, tandis qu’un pli très particulier retrousse la lèvre supérieure, d’une façon drôle et moqueuse. Toute sa personne ronde et forte donne l’idée d’un boulet de canon ; elle porte crânement son nom brutal aux deux syllabes bondissantes dans le retentissement des deux voyelles.



Que n’a-t-on pas dit de son œuvre ? Que n’en doit-on pas dire encore ? Il est brutal aussi, cet œuvre ; il a déchiré, crevé les conventions du comme-il-faut littéraire, passant au travers ainsi qu’un clown musculeux dans un cerceau de papier. Ce qu’a eu surtout cet écrivain, c’est l’audace du mot propre (je vois sourire les gens d’esprit) et le mépris des périphrases. Plus que personne, il pourrait dire, après Boileau :


J’appelle un chat un chat…


Il semble même parfois pousser jusqu’au défi cet amour de la vérité nue. Son style large, plein d’images, n’est pas sobre et précis comme celui de Flaubert, ni ciselé et raffiné comme celui de Théo-