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UNE SOIRÉE.

— Comment vous y prendriez-vous pour faire un lustre ?

L’autre, abasourdi, demanda :

— Quel lustre ?

— Mais un lustre pour éclairer, un lustre avec des bougies.

Le notaire ne comprenait point. Il répondit :

— Je ne sais pas.

Le peintre se mit à gambader en jouant des castagnettes avec ses doigts.

— Eh bien ! moi, j’ai trouvé, monseigneur.

Puis il reprit avec plus de calme :

— Vous avez bien cinq francs sur vous ?

M. Saval répondit :

— Mais oui.

L’artiste reprit :

— Eh bien ! vous allez m’acheter pour cinq francs de bougies pendant que je vais aller chez le tonnelier.

Et il poussa dehors le notaire en habit. Au bout de cinq minutes, ils étaient revenus rapportant, l’un des bougies, l’autre un cercle de futaille. Puis Romantin plongea dans un placard et en tira une vingtaine de bouteilles vides, qu’il attacha en couronne autour du cercle. Il descendit ensuite emprunter une échelle à la concierge, après avoir expliqué qu’il avait obtenu les faveurs de la vieille femme en faisant le portrait de son chat exposé sur le chevalet.

Lorsqu’il fut remonté avec un escabeau, il demanda à M. Saval :

— Êtes-vous souple ?

L’autre sans comprendre répondit :

— Mais oui.

— Eh bien, vous allez grimper là-dessus et m’attacher ce lustre-là à l’anneau du plafond. Puis vous mettrez une bougie dans chaque bouteille et vous allu-