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ŒUVRES POSTHUMES.

Je sus donc toutes les habitudes, tous les défauts, toutes les manies et les goûts les plus secrets de son mari.

Et elle me demandait en réclamant une approbation :

— Est-il bassin ?… dis-moi, est-il bassin ?… Crois-tu qu’il m’a rasée… hein ?… Aussi, la première fois que je t’ai vu, je me suis dit : « Tiens, il me plaît, celui-là, je le prendrai pour amant. » C’est alors que tu m’as fait la cour.

Je dus lui montrer une tête bien drôle, car elle la vit malgré l’ivresse ; et elle se mit à rire aux éclats :

— Ah !… grand serin, dit-elle, en as-tu pris des précautions… mais quand on nous fait la cour, gros bête… c’est que nous voulons bien… et alors il faut aller vite, sans quoi on nous laisse attendre… Faut-il être niais pour ne pas comprendre, seulement à voir notre regard, que nous disons « Oui ». Ah ! je crois que je t’ai attendu, dadais ! Je ne savais pas comment m’y prendre, moi, pour te faire comprendre que j’étais pressée… Ah ! bien oui… des fleurs… des vers… des compliments… encore des fleurs… et puis rien… de plus… J’ai failli te lâcher, mon bon, tant tu étais long à te décider. Et dire qu’il y a la moitié des hommes comme toi, tandis que l’autre moitié… Ah !… ah !… ah !…

Ce rire me fit passer un frisson dans le dos. Je balbutiai :

— L’autre moitié… alors l’autre moitié ?…

Elle buvait toujours, les yeux noyés par le vin clair, l’esprit poussé par ce besoin impérieux de dire la vérité qui saisit parfois les ivrognes.

Elle reprit :

— Ah ! l’autre moitié va vite… mais ils ont raison ceux-là tout de même. Il y a des jours où ça ne leur