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ŒUVRES POSTHUMES.

Jamais il n’avait vu ou deviné des orages dans cette maison, et il demeurait effaré devant cette révélation inattendue.

Il demanda :

— Comment cela est-il arrivé, dis-moi ?

Alors elle raconta une longue histoire, toute l’histoire de sa vie, depuis le jour de son mariage. La première désunion née d’un rien, puis s’accentuant de tout l’écart qui grandissait chaque jour entre deux caractères opposés.

Puis étaient venues des querelles, une séparation complète, non apparente, mais effective, puis son mari s’était montré agressif, ombrageux, violent. Maintenant il était jaloux, jaloux de Jacques, et, ce jour-là même, après une scène, il l’avait frappée.

Elle ajouta avec fermeté :

— Je ne rentrerai plus chez lui. Fais de moi ce que tu voudras.

Jacques s’était assis en face d’elle, leurs genoux se touchant. Il lui prit les mains :

— Ma chère amie, vous allez faire une grosse, une irréparable sottise. Si vous voulez quitter votre mari, mettez les torts de son côté, de telle sorte que votre situation de femme, de femme du monde irréprochable, reste sauve.

Elle demanda en lui jetant un coup d’œil inquiet :

— Alors, que me conseilles-tu ?

— De rentrer chez vous, et d’y supporter la vie jusqu’au jour où vous pourrez obtenir soit une séparation, soit un divorce, avec les honneurs de la guerre.

— N’est-ce pas un peu lâche, ce que vous me conseillez là ?

— Non, c’est sage et raisonnable. Vous avez une haute situation, un nom à sauvegarder, des amis à