Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/177

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Elle était veuve du comte Mosska, écuyer du roi, tué en duel à la suite d'une querelle de jeu. L'accident datait à peine de dix-huit mois. Depuis ce moment elle voyageait, ayant quitté Bucarest pour se remettre, disait-on, de son profond chagrin.

- Et, elle est remise? interrogea Mariolle avec une nuance imperceptible d'ironie.

La princesse sourit, en répondant:

- Je crois que oui.

Puis elle se leva, car elle avait des habitudes régulières imposées par le régime des eaux, et, lorsqu'elle fut partie, Mariolle, à son tour, s'en alla, voulant faire un tour dans le parc avant de se mettre au lit.

Cette heure passée avec ces femmes élégantes dont le contact est doux, l'avait animé, égayé, consolé. Il sentait, à n'en point douter, que son reste de mélancolie s'évanouissait au milieu de ces gens qui l'accueillaient avec faveur, et il se mit à penser à eux comme on fait en quittant des êtres très intéressants et peu connus.

Il marcha longtemps dans les allées du parc, sous la nuit chaude, sous la nuit étouffante de cette petite ville au fond d'une vallée, qui semble une étuve pendant les mois d'été; mais à mesure que s'écartait de lui la sensation directe des femmes qu'il venait de quitter, l'impression de solitude, retrouvée chaque soir depuis sa rupture avec Henriette, l'envahissait de nouveau. Les ténèbres lui paraissaient illimitées et la terre vide, car personne ne l'attendait plus dans sa chambre à coucher. Ainsi qu'il l'avait dit au comte de Lucette, la gaieté du matin, l'espèce d'espoir indéterminé qui s'éveille, avec nous, chaque jour, dans notre coeur, puis l'agitation de la vie et ses contacts, ses petites distractions habituelles, écartaient de lui, jusqu'au soir, l'indécis besoin de tendresse et le besoin