Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/18

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rendit dans les magasins avec la simple intention de voir, se réservant d'acheter plus tard.

Il visita d'abord l'établissement d'un bottier soi-disant américain, demandant qu'on lui montrât de forts souliers pour voyages ! On lui exhiba des espèces d'appareils blindés en cuivre comme des navires de guerre, hérissés de pointes comme une herse de fer, et qu'on lui affirma être confectionnés en cuir de bison des Montagnes Rocheuses. Il fut tellement enthousiasmé qu'il en aurait volontiers acheté deux paires. Une seule lui suffisait cependant. Il s'en contenta ; et il partit, la portant sous son bras, qui fut bientôt tout engourdi.

Il se procura un pantalon de fatigue en velours à côtes, comme ceux des ouvriers charpentiers ; puis des guêtres de toile à voile passées à l'huile et montant jusqu'aux genoux.

Il lui fallut encore un sac de soldat pour ses provisions, une lunette marine afin de reconnaître les villages éloignés, pendus aux flancs des coteaux ; enfin une carte de l'état-major qui lui permettrait de se diriger sans demander sa route aux paysans courbés au milieu des champs.

Puis, pour supporter plus facilement la chaleur, il se résolut à acquérir un léger vêtement d'alpaga que la célèbre maison Raminau livrait en première qualité, suivant ses annonces, pour la modique somme de six francs cinquante centimes.

Il se rendit dans cet établissement, et un grand jeune homme distingué, avec une chevelure entretenue à la Capoul, des ongles roses comme ceux des dames, et un sourire toujours aimable, lui fit voir le vêtement demandé. Il ne répondait pas à la magnificence de l'annonce. Alors Patissot hésitant, interrogea : "