Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/208

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La comtesse criait :

— Les Prussiens ! les Prussiens !

Au même instant, un coup si fort ébranla la grande porte qu’on eût dit un choc de bélier ; et une voix puissante cria du dehors un commandement en allemand, que personne ne comprit au-dedans.

Alors madame de Brémontal ordonna à ses deux vieux serviteurs :

— Il ne faut pas leur résister, pour éviter des violences. Allez bien vite leur ouvrir, et donnez-leur ce qu’ils voudront. Moi, je m’enferme avec mon fils. S’ils vous parlent de moi, dites que je suis malade, incapable de descendre. Un autre coup ébranla la porte, et fit vibrer tout le château. Un autre encore le suivit, puis un autre, puis un autre. Ils sonnaient dans les couloirs comme le canon. Des voix hurlaient sous les murs ; on eût dit un siège commencé.

La comtesse disparut avec Annette dans la chambre du petit, tandis que les deux hommes descendaient à toutes jambes pour ouvrir aux envahisseurs, et que la cuisinière et la servante, éperdues de peur, restaient debout sur les marches de l’escalier afin d’attendre les événements, et de fuir par toute issue ouverte.

Quand madame de Brémontal ouvrit les rideaux du lit d’Henri, il dormait, n’ayant rien entendu dans son sommeil sans inquiétudes. Sa mère, en l’éveillant, ne savait quoi lui dire sans trop l’émouvoir ou le terrifier en lui annonçant la présence des vilains hommes qui étaient en bas avec des armes.

Lorsqu’il eut ouvert les yeux sous ses baisers, elle lui raconta que des soldats passant par le pays étaient entrés dans le château ; et comme il entendait souvent parler de la guerre, il demanda :

— C’est des soldats ennemis, maman ?