— Oui, mon enfant, des soldats ennemis.
— Sais-tu s’ils ont vu papa ?
Elle reçut au cœur une commotion terrible et répondit :
— Je ne sais pas, mon chéri.
Elle l’habillait avec Annette, bien vite, en le couvrant de ses vêtements les plus chauds, car on ne pouvait rien savoir ni rien prévoir.
Les heurts de bélier avaient cessé. On n’entendait maintenant qu’une grande rumeur de voix et des cliquetis de sabres dans l’intérieur du château. C’était la prise de possession, l’invasion du logis, le viol de l’intimité sacrée de la demeure.
La comtesse tressaillait en les entendant, et sentait s’éveiller en elle une révolte furieuse de colère et d’indignation. Chez elle. Ils étaient chez elle, ces Prussiens haïs, maîtres absolus, libres de tout faire, puissants jusqu’à tuer.
Des coups de doigt soudain heurtèrent sa porte.
Elle demanda :
— Qui est là ?
La voix de son valet de pied répondit :
— C’est moi, madame la comtesse.
Elle ouvrit. Le domestique parut, et elle balbutia :
— Eh bien ?
— Eh bien, ils veulent que madame descende.
— Je ne veux pas.
— Ils ont dit que si madame ne voulait pas, ils monteraient la chercher.
Elle n’eut pas peur. Tout son sang-froid lui était revenu, et un courage de femme exaspérée. C’était la guerre, eh bien ! elle se conduirait comme un homme.
— Répondez-leur que je n’ai pas d’ordre à recevoir d’eux et que je reste ici.