Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fines, mignonnes, montées sur de longs fils, épanouies le long des fossés. Des insectes de toutes couleurs, de toutes les formes trapus, allongés, extraordinaires de construction, des monstres effroyables et microscopiques, faisaient péniblement des ascensions de brins d'herbe qui ployaient sous leurs poids. Et Patissot admira sincèrement la création. Mais, comme il était exténué, il s'assit.

Alors il voulut manger. Une stupeur le prit devant l'intérieur de son sac. Une des bouteilles s'était cassée, dans sa chute assurément, et le liquide, retenu par l'imperméable toile cirée, avait fait une soupe au vin de ses nombreuses provisions.

Il mangea cependant une tranche de gigot bien essuyée, un morceau de jambon, des croûtes de pain ramollies et rouges, en se désaltérant avec du bordeaux fermenté, couvert d'une écume rose désagréable à l'oeil.

Et, quand il se fut reposé plusieurs heures, après avoir de nouveau consulté sa carte, il repartit.

Au bout de quelque temps, il se trouva dans un carrefour que rien ne faisait prévoir. Il regarda le soleil, tâcha de s'orienter, réfléchit, étudia longtemps toutes les petites lignes croisées qui, sur le papier, figuraient des routes, et se convainquit bientôt qu'il était absolument égaré.

Devant lui s'ouvrait une ravissante allée dont le feuillage un peu grêle laissait pleuvoir partout, sur le sol, des gouttes de soleil qui illuminaient des marguerites blanches cachées dans les herbes. Elle était allongée interminablement, et vide, et calme. Seul, un gros frelon solitaire et bourdonnant la suivait, s'arrêtant parfois sur une fleur qu'il inclinait, et repartait presque aussitôt pour se reposer encore un peu plus loin. Son corps énorme semblait en velours