d'un signe de tête. Alors, la grande rousse, blessée, lâcha des mots à double sens, parlant des femmes qui font leur poire, sans valoir mieux que les autres ; et, quelquefois même, elle jetait un gros mot qui faisait un effet de pétard ratant au milieu de la dignité glaciale des voyageurs.
Enfin on arriva. Patissot voulut tout de suite gagner les coins ombreux du parc, espérant que la mélancolie des bois apaiserait l'humeur irritée de sa compagne. Mais un autre effet se produisit. Aussitôt qu'elle fut dans les feuilles et qu'elle aperçut de l'herbe, elle se mit à chanter à tue-tête des morceaux d'opéra traînant dans sa mémoire de linotte, faisant des roulades, passant de Robert le Diable à la Muette, affectionnant surtout une poésie sentimentale dont elle roucoulait les derniers vers avec des sons perçants comme des vrilles.
Puis, tout à coup, elle eut faim et voulut rentrer. Patissot, qui toujours attendait l'attendrissement espéré, essayait en vain de la retenir. Alors elle se fâcha.
"Je ne suis pas ici pour m'embêter, n'est-ce pas ?"
Et il fallut gagner le restaurant du Petit-Havre, tout près de l'endroit où devaient avoir lieu les régates.
Elle commanda un déjeuner à n'en plus finir, une succession de plats comme pour nourrir un régiment. Puis, ne pouvant attendre, elle réclama des hors-d'œuvre. Une boîte de sardines apparut ; elle se jeta dessus à croire que le fer-blanc de la boîte lui-même y passerait ; mais, quand elle eut mangé deux ou trois des petits poissons huileux, elle déclara qu'elle n'avait plus faim et voulut aller voir les préparatifs des courses.