Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/70

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Patissot, désespéré et pris de fringale à son tour, refusa absolument de se lever. Elle partit seule, promettant de revenir pour le dessert ; et il commença à manger, silencieux, et solitaire ne sachant comment amener cette nature rebelle à la réalisation de son rêve.

Comme elle ne revenait pas, il se mit à sa recherche.

Elle avait retrouvé des amis, une bande de canotiers presque nus, rouges jusqu'aux oreilles et gesticulant, qui, devant la maison du constructeur Fournaise, réglaient en vociférant tous les détails du concours.

Deux messieurs d'aspect respectable, des juges sans doute, les écoutaient attentivement. Aussitôt qu'elle aperçut Patissot, Octavie, pendue au bras noir d'un grand diable possédant assurément plus de biceps que de cervelle, lui jeta quelques mots dans l'oreille. L'autre répondit :

"C'est entendu."

Et elle revint à l'employé toute joyeuse, le regard vif, presque caressante.

"Je veux faire un tour en bateau", dit-elle.

Heureux de la voir si charmante, il consentit à ce nouveau désir et se procura une embarcation.

Mais elle refusa obstinément d'assister aux régates, malgré l'envie de Patissot.

"J'aime mieux être seule avec toi, mon loup."

Un frisson lui secoua le cœur... Enfin !...

Il retira sa redingote et se mit à ramer avec furie.

Un vieux moulin monumental, dont les roues vermoulues pendaient au-dessus de l'eau, enjambait avec ses deux arches un tout petit bras du fleuve. Ils passèrent dessous lentement, et, quand ils furent de l'autre côté, ils aperçurent devant eux un bout de