Aller au contenu

Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Une vieille dame à lunettes, assise devant une table couverte d'un tapis, percevait l'argent. M. Patissot entra.

Dans la salle, déjà presque pleine, flottait cette odeur de chien mouillé, que dégagent toujours les jupes des vieilles filles, avec un reste de parfums suspects des bals publics.

M. Patissot en cherchant bien, découvrit une place libre au second rang, à côté d'un vieux monsieur décoré et d'une petite femme vêtue en ouvrière, à l'oeil exalté, ayant sur la joue une marbrure enflée.

Le bureau était au complet

La citoyenne Zoé Lamour, une jolie brune replète, portant des fleurs rouges dans ses cheveux noirs, partageait la présidence avec une petite blonde maigre, la citoyenne nihiliste russe Éva Schourine.

Juste au-dessous d'elles, l'illustre citoyenne Césarine Brau, surnommée le "Tombeur des hommes", belle fille aussi, était assise à côté du citoyen Sapience Cornut, retour d'exil. Celui-là, un vieux solide à tous crins, d'aspect féroce, regardait la salle comme un chat regarde une volière d'oiseaux, et ses poings fermés reposaient sur ses genoux.

A droite, une délégation d'antiques citoyennes sevrées d'époux, séchées dans le célibat, et exaspérées dans l'attente, faisait vis-à-vis à un groupe de citoyens réformateurs de l'humanité, qui n'avaient jamais coupé ni leur barbe ni leurs cheveux, pour indiquer sans doute l'infini de leurs aspirations.

Le public était mêlé.

Les femmes, en majorité, appartenaient à la caste des portières et des marchandes qui ferment boutique le dimanche. Partout le type de la vieille fille inconsolable (dit trumeau) réapparaissait entre les faces rouges des bourgeoises. Trois collégiens parlaient