Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- Je suis un montagnard, dit-il, et ce pays sauvage ne me fait point peur. J'étudie sans cesse, d'ailleurs, et les quinze ou seize heures de vie éveillée, que j'ai chaque jour, ne me semblent pas même longues.

Il se remit à marcher et, comme je le pressais fort, il convint en souriant qu'on travaille à Paris mieux que partout ailleurs, au milieu de cette furieuse excitation cérébrale, de ces luttes constantes, de l'émulation acharnée qui vous exalte.

- N'avez-vous jamais, lui demandai-je, de violents désirs de retourner là-bas ?

- Non, dit-il, moi je ne vis que par mes idées, que par ma foi. Je ne compte pas ma personne, je ne suis rien qu'un levier. J'ai une foi ardente, et mon seul désir est de la communiquer, de la verser en d'autres.

Mais comme je lui parlais d'un évêché que, suivant certains journaux, on lui aurait offert, il se mit franchement à rire.

- Cette nouvelle est une folie, dit-il ; ce n'est pas ici qu'on m'offrirait un évêché.

Puis, redevenant grave :

- D'ailleurs, je ne suis pas un apôtre et je ne changerais pas la chaire de saint Paul contre le plus grand évêché du monde.