Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/294

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On dirait un volcan furieux. Le feu qui sort de la bouche est blanc, insoutenable à la vue et projeté avec tant de force et de bruit que rien n'en peut donner l'idée.

Là-dedans l'acier bout, l'acier Bessemer dont on fait les rails. Un homme fort, beau, jeune, grave, coiffé d'un grand feutre noir, regarde attentivement l'effroyable souffle. Il est assis devant une roue pareille au gouvernail d'un navire et parfois il la fait tourner à la façon des pilotes. Aussitôt la colère de la cornue augmente, elle crache un ouragan de flammes, c'est que le chef fondeur vient d'augmenter encore le monstrueux courant d'air qui la traverse.

Et, toujours pareil à un capitaine, l'homme, à tout moment, porte à ses yeux une jumelle pour considérer la couleur du feu. Il fait un geste ; un wagonnet s'avance et verse d'autres métaux dans le brasier rugissant. Le fondeur encore consulte les nuances des flammes furieuses, cherchant des indications, et, soudain, tournant une autre roue toute petite, il fait basculer la formidable cuve. Elle se retourne lentement, crachant jusqu'au toit de la galerie un terrifiant jet d'étincelles ; et elle verse, délicatement, comme un éléphant qui