Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/370

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ronger l’âme comme je le fais depuis quelque temps. » L’image de Forestier lui traversa l’esprit sans y faire naître aucune irritation. Il lui sembla qu’ils venaient de se réconcilier, qu’ils redevenaient amis. Il avait envie de lui crier : « Bonsoir, vieux. »

Madeleine, que ce silence gênait, demanda :

— Si nous allions prendre une glace chez Tortoni, avant de rentrer.

Il la regarda de coin. Son fin profil blond lui apparut sous l’éclat vif d’une guirlande de gaz qui annonçait un café-chantant.

Il pensa : « Elle est jolie. Eh ! tant mieux. À bon chat bon rat, ma camarade. Mais si on me reprend à me tourmenter pour toi, il fera chaud au pôle Nord. » Puis il répondit :

— Mais certainement, ma chérie.

Et, pour qu’elle ne devinât rien, il l’embrassa.

Il sembla à la jeune femme que les lèvres de son mari étaient glacées.

Il souriait cependant de son sourire ordinaire en lui donnant la main pour descendre devant les marches du café.