Page:Maupassant - Boule de suif.djvu/190

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Trois d’entre elles, les plus jeunes, demeuraient assises d’un air un peu guindé, sur des sièges de velours grenat, tandis que la quatrième, âgée de quarante-cinq ans environ, arrangeait des fleurs dans un vase ; elle était très grosse, vêtue d’une robe de soie verte qui laissait passer, pareille à l’enveloppe d’une fleur monstrueuse, ses bras énormes et son énorme gorge, d’un rose rouge poudrederizé. Le sous-officier salua :

— Bonjour, mesdames.

La vieille se retourna, parut surprise, mais s’inclina :

— Bonjour, monsieur.

Mais, voyant qu’on ne semblait pas l’accueillir avec empressement, il songea que les officiers seuls étaient sans doute admis dans ce lieu ; et cette pensée le troubla.

Puis il se dit : « Bah ! s’il en vient un, nous verrons bien. » Et il demanda :

— Alors, ça va bien ?

La dame, la grosse, la maîtresse du logis sans doute, répondit :

— Très bien ! merci.

Puis il ne trouva plus rien, et tout le monde se tut.

Cependant il eut honte, à la fin, de sa timidité, et riant d’un rire gêné :

— Eh bien, on ne rigole donc pas. Je paye une bouteille de vin…

Il n’avait point fini sa phrase que la porte s’ouvrit de nouveau, et Padoie, en habit noir, apparut.

Alors Varajou poussa un hurlement d’allégresse, et, se dressant, il sauta sur son beau-frère, le saisit dans ses bras et le fit danser tout autour du salon en