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le pardon

croyant les jouets d’une fatalité exceptionnelle, les victimes misérables d’événements funestes et d’hommes particulièrement criminels.

Les Savignol marièrent leur fille Berthe à dix-huit ans. Elle épousa un jeune homme de Paris, Georges Baron, qui faisait des affaires à la Bourse. Il était beau garçon, parlait bien, avec tous les dehors probes qu’il fallait ; mais, au fond du cœur, il se moquait un peu de ses beaux-parents attardés, qu’il appelait entre amis : « Mes chers fossiles. »

Il appartenait à une bonne famille ; et la jeune fille était riche. Il l’emmena vivre à Paris.

Elle devint une de ces provinciales de Paris dont la race est nombreuse. Elle demeura ignorante de la grande ville, de son monde élégant, de ses plaisirs, de ses costumes, comme elle était demeurée ignorante de la vie, de ses perfidies et de ses mystères.

Enfermée en son ménage, elle ne connaissait guère que sa rue, et quand elle s’aventurait dans un autre quartier, il lui semblait accomplir un voyage lointain en une ville inconnue et étrangère. Elle disait le soir :