Aller au contenu

Page:Maupassant - Clair de lune, OC, Conard, 1909.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
L’ENFANT.

nuit, avec son petit qui gémissait dans ses bras ! Je demeure éperdu devant de pareilles souffrances morales. Songez donc à l’épouvante de cette âme, au déchirement de ce cœur ! Comme la vie est odieuse et misérable ! D’infâmes préjugés, oui, madame, d’infâmes préjugés, un faux honneur, plus abominable que le crime, toute une accumulation de sentiments factices, d’honorabilité odieuse, de révoltante honnêteté poussent à l’assassinat, à l’infanticide, de pauvres filles qui ont obéi sans résistance à la loi impérieuse de la vie. Quelle honte pour l’humanité d’avoir établi une pareille morale et fait un crime de l’embrassement libre de deux êtres !

La baronne était devenue pâle d’indignation.

Elle répliqua : « Alors, docteur, vous mettez le vice au-dessus de la vertu, la prostituée avant l’honnête femme ! Celle qui s’abandonne à ses instincts honteux vous paraît l’égale de l’épouse irréprochable qui accomplit son devoir dans l’intégrité de sa conscience ! »

Le médecin, un vieux homme qui avait touché à bien des plaies, se leva, et, d’une voix forte :

— Vous parlez, madame, de choses que vous ignorez, n’ayant point connu les invin-