Page:Maupassant - Conflits pour rire, paru dans Gil Blas, 1er mai 1882.djvu/6

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supporter l’idée que toutes les populations accourues des quatre coins du département défileraient en procession sous notre impudique aïeule de pierre.

Il en maigrissait d’inquiétude : il implorait une illumination du ciel. Le ciel l’éclaira, mais mal.

Une nuit, un habitant voisin de l’église fut réveillé par un bruit singulier. Il écouta. C’étaient des coups violents, vibrants. Les chiens hurlaient aux environs. L’homme se leva, prit un fusil, sortit. Devant l’église un groupe singulier s’agitait ; et une lueur de lanterne semblait éclairer une tentative d’escalade, ou plutôt d’effraction, car les coups indiquaient bien qu’on essayait de fracturer la porte. Pour voler le tronc des pauvres, sans doute, et les ornements d’autel.

Épouvanté, mais timide, le voisin courut chez le maire ; celui-ci fit prévenir les adjoints, qui s’armèrent et réquisitionnèrent les pompiers. Les valets de ferme se joignirent à leurs maîtres, et la troupe, hérissée de faux, de fourches et d’armes à feu, s’avança prudemment en opérant un mouvement tournant.

Les voleurs étaient encore là. La porte résistait sans doute. Avec mille précautions, les défenseurs de l’ordre se glissèrent le long du monument ; et soudain le maure, qui marchait le dernier, cria d’une voix furieuse : « En avant ! saisissez-les ! »

Les pompiers s’élancèrent… et ils aperçurent, grimpés sur deux chaises, le curé et sa servante en train d’amoindrir Adam.

La servante, en jupon, tenait à deux mains sa lanterne, tandis que le prêtre frappait à tour de bras sur la pierre dure qui céda, tout juste à ce moment.