Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/126

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se rapprocher jusqu’à ses genoux où il poserait sa tête, de lui prendre les mains dont s’échapperaient la couverture du pauvre, les aiguilles de bois, et la pelote de laine qui s’en irait sous un fauteuil au bout d’un fil déroulé, il regardait l’heure, ne parlait plus guère et trouvait que vraiment on a tort d’habituer les fillettes à passer la soirée avec les grandes personnes.

Des pas troublèrent le silence du salon voisin, et le domestique, dont la tête apparut, annonça :

— M. de Musadieu.

Olivier Bertin eut une petite rage comprimée, et quand il serra la main de l’inspecteur des Beaux-Arts, il se sentit une envie de le prendre par les épaules et de le jeter dehors.

Musadieu était plein de nouvelles : le ministère allait tomber, et on chuchotait un scandale sur le marquis de Rocdiane. Il ajouta en regardant la jeune fille : « Je conterai cela un peu plus tard. »

La comtesse leva les yeux sur la pendule et constata que dix heures allaient sonner.

— Il est temps de te coucher, mon enfant, dit-elle à sa fille.

Annette, sans répondre, plia son tricot, roula sa laine, baisa sa mère sur les joues, tendit la main aux deux hommes et s’en alla prestement, comme si elle eût glissé sans agiter l’air en passant.