Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/168

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vous tout ce que je pourrai lui donner, sans voler l’autre.

« Je vous tends mes yeux qui ont tant pleuré, pour que vous les baisiez.

« Anne. »

Quand il reçut cette lettre annonçant le retour encore retardé, Olivier Bertin eut envie, une envie immodérée, de prendre une voiture pour aller à la gare, et le train pour aller à Roncières ; puis, songeant que M. de Guilleroy devait revenir le lendemain, il se résigna et se mit à désirer l’arrivée du mari avec presque autant d’impatience que si c’eût été celle de la femme elle-même.

Jamais il n’avait aimé Guilleroy comme en ces vingt-quatre heures d’attente.

Quand il le vit entrer, il s’élança vers lui, les mains tendues, s’écriant :

— Ah ! cher ami, que je suis heureux de vous voir !

L’autre aussi semblait fort satisfait, content surtout de rentrer à Paris, car la vie n’était pas gaie en Normandie, depuis trois semaines.

Les deux hommes s’assirent sur un petit canapé à deux places, dans un coin de l’atelier, sous un dais d’étoffes orientales, et, se reprenant les mains avec des airs attendris, ils se les serrèrent de nouveau.