Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/189

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La tombée du soir imprégnait le parc de fraîcheur, faisait frissonner les arbres et s’exhaler de la terre des vapeurs imperceptibles qui jetaient sur l’horizon un léger voile transparent. Les trois vaches, debout et la tête basse, broutaient avec avidité, et quatre paons, avec un fort bruit d’ailes, montaient se percher dans un cèdre où ils avaient coutume de dormir, sous les fenêtres du château. Des chiens aboyaient au loin par la campagne, et dans l’air tranquille de cette fin de jour passaient des appels de voix humaines, des phrases jetées à travers les champs, d’une pièce de terre à l’autre, et ces cris courts et gutturaux avec lesquels on conduit les bêtes.

Le peintre, nu-tête, les yeux brillants, respirait à pleine gorge ; et comme la comtesse le regardait :

— Voilà le bonheur, dit-il.

Elle se rapprocha de lui.

— Il ne dure jamais.

— Prenons-le quand il vient.

Elle, alors, avec un sourire :

— Jusqu’ici vous n’aimiez pas la campagne.

— Je l’aime aujourd’hui, parce que je vous y trouve. Je ne saurais plus vivre en un endroit où vous n’êtes pas. Quand on est jeune, on peut être amoureux de loin, par lettres, par pensées, par exaltation pure, peut-être parce qu’on sent la vie devant soi, peut-être aussi parce qu’on a plus de