Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/211

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son ne s’en souvient point, mais dont la vibration demeure aux cordes du cœur les plus sensibles ? — Peut-être. Laquelle ? Elle se rappela bien quelques inavouables contrariétés dans les mille nuances de sentiment par lesquelles elle avait passé, chaque minute apportant la sienne ! Or, elles étaient vraiment trop menues pour lui laisser ce découragement. « Je suis exigeante, pensa-t-elle. Je n’ai pas le droit de me tourmenter ainsi. »

Elle ouvrit sa fenêtre, afin de respirer l’air de la nuit, et elle y demeura accoudée, les yeux sur la lune.

Un bruit léger lui fit baisser la tête. Olivier se promenait devant le château. — « Pourquoi a-t-il dit qu’il rentrait chez lui, pensa-t-elle ; pourquoi ne m’a-t-il pas prévenue qu’il ressortait ? ne m’a-t-il pas demandé de venir avec lui ? Il sait bien que cela m’aurait rendue si heureuse. À quoi songe-t-il donc ? »

Cette idée qu’il n’avait pas voulu d’elle pour cette promenade, qu’il avait préféré s’en aller seul par cette belle nuit, seul, un cigare à la bouche, car elle voyait le point rouge du feu, seul, quand il aurait pu lui donner cette joie de l’emmener. Cette idée qu’il n’avait pas sans cesse besoin d’elle, sans cesse envie d’elle, lui jeta dans l’âme un nouveau ferment d’amertume.

Elle allait fermer sa fenêtre pour ne plus le voir,