Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/308

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surgissait dans la baie carrée de la loge, il sentait en lui toute l’amertume de cet irréalisable désir.

Mais Montrosé venait de finir le premier acte avec une telle perfection que l’enthousiasme éclata. Pendant plusieurs minutes, le bruit des applaudissements, des pieds et des bravos, roula dans la salle comme un orage. On voyait dans toutes les loges les femmes battre leurs gants l’un contre l’autre, tandis que les hommes, debout derrière elles, criaient en claquant des mains.

La toile tomba, et se releva deux fois de suite sans que l’élan se ralentît. Puis quand le rideau fut baissé pour la troisième fois, séparant du public la scène et les loges intérieures, la duchesse et Annette continuèrent encore à applaudir quelques instants, et furent remerciées spécialement par un petit salut discret que leur envoya le ténor.

— Oh ! il nous a vues, dit Annette.

— Quel admirable artiste ! s’écria la duchesse.

Et Bertin, qui s’était penché en avant, regardait avec un sentiment confus d’irritation et de dédain l’acteur acclamé disparaître entre deux portants, en se dandinant un peu, la jambe tendue, la main sur la hanche, dans la pose gardée d’un héros de théâtre.

On se mit à parler de lui. Ses succès faisaient autant de bruit que son talent. Il avait passé dans toutes les capitales, au milieu de l’extase des