Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/309

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femmes qui, le sachant d’avance irrésistible, avaient des battements de cœur en le voyant entrer en scène. Il semblait peu se soucier d’ailleurs, disait-on, de ce délire sentimental, et se contentait de triomphes musicaux. Musadieu racontait, à mots très couverts à cause d’Annette, l’existence de ce beau chanteur, et la duchesse, emballée, comprenait et approuvait toutes les folies qu’il avait pu faire naître, tant elle le trouvait séduisant, élégant, distingué et musicien exceptionnel. Et elle concluait, en riant :

— D’ailleurs, comment résister à cette voix-là !

Olivier se fâcha et fut amer. Il ne comprenait pas, vraiment, qu’on eût du goût pour un cabotin, pour cette perpétuelle représentation de types humains qui n’est jamais, pour cette illusoire personnification des hommes rêvés, pour ce mannequin nocturne et fardé qui joue tous les rôles à tant par soir.

— Vous êtes jaloux d’eux, dit la duchesse. Vous autres, hommes du monde et artistes, vous en voulez tous aux acteurs, parce qu’ils ont plus de succès que vous.

Puis se tournant vers Annette :

— Voyons, petite, toi qui entres dans la vie et qui regardes avec des yeux sains, comment le trouves-tu, ce ténor ?

Annette répondit d’un air convaincu :