Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/52

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Entraînée vers lui par son cœur qui était vierge, et par son âme qui était vide, la chair conquise par la lente domination des caresses, elle s’attacha peu à peu, comme s’attache les femmes tendres, qui aiment pour la première fois.

Chez lui, ce fut une crise d’amour aigu, sensuel et poétique. Il lui semblait parfois qu’il s’était envolé, un jour, les mains tendues, et qu’il avait pu étreindre à pleins bras le rêve ailé et magnifique qui plane toujours sur nos espérances.

Il avait fini le portrait de la comtesse, le meilleur, certes, qu’il eût peint, car il avait su voir et fixer ce je ne sais quoi d’inexprimable que presque jamais un peintre ne dévoile, ce reflet, ce mystère, cette physionomie de l’âme qui passe, insaisissable, sur les visages.

Puis des mois s’écoulèrent, et puis des années qui desserrèrent à peine le lien qui unissait l’un à l’autre la comtesse de Guilleroy et le peintre Olivier Bertin. Ce n’était plus chez lui l’exaltation des premiers temps, mais une affection calmée, profonde, une sorte d’amitié amoureuse dont il avait pris l’habitude.

Chez elle, au contraire, grandit sans cesse l’attachement passionné, l’attachement obstiné de certaines femmes qui se donnent à un homme pour tout à fait et pour toujours. Honnêtes et droites dans l’adultère comme elles auraient pu l’être dans