Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/76

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Et comme il se défendait de poser, elle termina la discussion en déclarant que tous les artistes aimaient à faire prendre aux gens des vessies pour des lanternes.

La conversation, alors, devint générale, effleura tout, banale et douce, amicale et discrète, et, comme le dîner touchait à sa fin, la comtesse, tout à coup, s’écria, en montrant ses verres pleins devant elle :

— Eh bien, je n’ai rien bu, rien, pas une goutte, nous verrons si je maigrirai.

La duchesse, furieuse, voulut la forcer à avaler une gorgée ou deux d’eau minérale ; ce fut en vain, et elle s’écria :

— Oh ! la sotte ! voilà que sa fille va lui tourner la tête. Je vous en prie, Guilleroy, empêchez votre femme de faire cette folie.

Le comte, en train d’expliquer à Musadieu le système d’une batteuse mécanique inventée en Amérique, n’avait pas entendu.

— Quelle folie, duchesse ?

— La folie de vouloir maigrir.

Il jeta sur sa femme un regard bienveillant et indifférent.

— C’est que je n’ai pas pris l’habitude de la contrarier.

La comtesse s’était levée en prenant le bras de son voisin ; le comte offrit le sien à la duchesse, et on passa dans le grand salon, le boudoir du