Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/85

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mour, le recevoir chez elle, ou le retrouver dans un salon.

On arrêtait un peu d’avance ces combinaisons, qui semblaient toujours naturelles à M. de Guilleroy.

Deux fois par semaine au moins le peintre dînait chez la comtesse avec quelques amis ; le lundi, il la saluait régulièrement dans sa loge à l’Opéra ; puis ils se donnaient rendez-vous dans telle ou telle maison, où le hasard les amenait à la même heure. Il savait les soirs où elle ne sortait pas, et il entrait alors prendre une tasse de thé chez elle, se sentant chez lui près de sa robe, si tendrement et si sûrement logé dans cette affection mûrie, si capturé par l’habitude de la trouver quelque part, de passer à côté d’elle quelques instants, d’échanger quelques paroles, de mêler quelques pensées, qu’il éprouvait, bien que la flamme vive de sa tendresse fût depuis longtemps apaisée, un besoin incessant de la voir.

Le désir de la famille, d’une maison animée, habitée, du repas en commun, des soirées où l’on cause sans fatigue avec des gens depuis longtemps connus, ce désir du contact, du coudoiement, de l’intimité qui sommeille en tout cœur humain, et que tout vieux garçon promène, de porte en porte, chez ses amis où il installe un peu de lui, ajoutait une force d’égoïsme à ses sentiments d’affection.