Page:Maupassant - Ivan Tourgueneff, paru dans Le Gaulois, 5 septembre 1883.djvu/3

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œuvres d’art lui semblait pur bavardage, et, quand un journaliste donnait, à propos d’un de ses livres, des détails particuliers sur lui et sur sa vie, il éprouvait une véritable irritation mêlée d’une sorte de honte d’écrivain, chez qui la modestie semble une pudeur.

Aujourd’hui que vient de disparaître ce grand homme, disons, en quelques mots, ce qu’il fut.



La première fois que je vis Ivan Tourgueneff, c’était chez Gustave Flaubert.

Une porte s’ouvrit. Un géant parut. Un géant à tête d’argent, comme on dirait dans un conte de fées. Il avait de longs cheveux blancs, de gros sourcils blancs, et une grande barbe blanche, et vraiment d’un blanc d’argent, luisant, tout éclairé de reflets ; et, dans cette blancheur, un bon visage calme, aux traits un peu forts ; une vraie tête de Fleuve « épanchant ses ondes », ou bien, encore, une tête de Père Éternel.