Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/139

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possédait. Dès que son bateau se présentait à l’entrée du port, en revenant de la pêche, on attendait la première bordée qu’il allait lancer, de son pont sur la jetée, dès qu’il aurait aperçu le bonnet blanc de sa compagne.

Debout, à l’arrière, il manoeuvrait, l’œil sur l’avant et sur la voile, aux jours de grosse mer, et malgré la préoccupation du passage étroit et difficile, malgré les vagues de fond qui entraient comme des montagnes dans l’étroit couloir, il cherchait, au milieu des femmes attendant les marins, sous l’écume des lames, à reconnaître la sienne, la fille au père Auban, la gueuse !

Alors, dès qu’il l’avait vue, malgré le bruit des flots, et du vent, il lui jetait une engueulade avec une telle force de gosier, que tout le monde en riait, bien qu’on la plaignît fort. Puis, quand le bateau arrivait à quai, il avait une manière de décharger son lest de politesse, comme il disait, tout en débarquant son poisson, qui attirait autour de ses amarres tous les polissons et tous les désoeuvrés du port.

Cela sortait de la bouche, tantôt comme des coups de canon, terribles et courts, tantôt