Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/250

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ment, pour prendre l’air ; et vous, monsieur ?

— J’y viens coucher tous les soirs.

— Ah ! ça doit être bien agréable ?

— Oui, certainement, madame.

Et il raconta sa vie de chaque jour, poétiquement, de façon à faire vibrer dans le cœur de ces bourgeois privés d’herbe et affamés de promenades aux champs cet amour bête de la nature qui les hante toute l’année derrière le comptoir de leur boutique.

La jeune fille, émue, leva les yeux et regarda le canotier. M. Dufour parla pour la première fois. — « Ça, c’est une vie, » dit-il. Il ajouta : — « Encore un peu de lapin, ma bonne. — Non, merci, mon ami. »

Elle se tourna de nouveau vers les jeunes gens, et montrant leurs bras : — « Vous n’avez jamais froid comme ça ? » dit-elle.

Ils se mirent à rire tous les deux, et ils épouvantèrent la famille par le récit de leurs fatigues prodigieuses, de leurs bains pris en sueur, de leurs courses dans le brouillard des nuits ; et ils tapèrent violemment sur leur poitrine pour montrer quel son ça rendait. —