Page:Maupassant - La Verte Érin, paru dans Le Gaulois, 23 janvier 1881.djvu/3

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ranz des vaches, assurément l’Irlande est la terre de pauvreté. La hideuse misère y a établi son empire ; elle l’enserre comme une pieuvre, la tient, la mange, exerce sur ce sol, qui est sien, sa toute-puissante tyrannie, par le moyen de l’Anglais, son lieutenant.

Je ne veux point faire ici l’histoire de la conquête et de la domination anglaise, ni raconter les premiers actes du drame séculaire et terrible dont une nouvelle scène est près de se jouer sous nos yeux. « Laissons la parole aux événements », selon la formule prudhommesque en usage dans le monde parlementaire, et considérons simplement dans sa vie intime et quotidienne l’acteur principal de la pièce, le triste et famélique paysan d’Irlande.

C’est pour lui que semble avoir été créé le mot « végéter » ; car il végète, horriblement besogneux, se nourrissant à peine, affamé sans cesse, et jetant sur les villes des hordes de mendiants pareils aux loups efflanqués qui pénètrent, l’hiver, dans les villages.