Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agenouillé parle, tandis que le magistrat, enveloppé, presque disparu sous tous les plis de ses vêtements et sous la masse de son lourd turban, ne montre qu’un peu de visage et regarde le plaideur d’un œil dur et calme, en l’écoutant. Un mur, où s’ouvre une fenêtre grillée, sépare cette pièce de celle où les femmes, créatures moins nobles que l’homme et qui ne peuvent se tenir en face du cadi, attendent leur tour pour exposer leur plainte par ce guichet de confessionnal.

Le soleil qui tombe en flots de feu sur les murs de neige de ces petits bâtiments pareils à des tombeaux de marabouts, et sur la cour, où une vieille Arabe jette des poissons morts à une armée de chats tigrés, rejaillit à l’intérieur sur les burnous, les jambes sèches et brunes, et les figures impassibles. Plus loin, voici l’école, à côté de la fontaine où l’eau coule sous un arbre. Tout est là, dans cette douce et paisible enceinte, la religion, la justice, l’instruction.

J’entre dans la mosquée après m’être déchaussé, et je m’avance sur les tapis au milieu des colonnes claires dont les lignes régulières emplissent ce temple silencieux, vaste et bas, d’une foule de larges piliers. Car ils sont très larges, ayant une face orientée vers La Mecque, afin que chaque