Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/232

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des traînées bleuâtres. L’ombre immobile d’une branche est peut-être grise, peut-être verte, peut-être jaune ? je ne sais pas. Sous l’abri de la corniche, le mur, plus bas, me semble violet : et je devine que l’air est mauve autour de ce dôme aveuglant qui me parait à présent presque rose, oui, presque rose, quand on le contemple trop, quand la fatigue de son rayonnement mêle tous ces tons si fins et si clairs qu’ils affolent les yeux. Et l’ombre, l’ombre de cette koubba sur ce sol, de quelle nuance est-elle ? Qui pourra le savoir, le montrer, le peindre ? Pendant combien d’années faudra-t-il tremper nos yeux et notre pensée dans ces colorations insaisissables, si nouvelles pour nos organes instruits à voir l’atmosphère de l’Europe, ses effets et ses reflets avant de comprendre celles-ci, de les distinguer et de les exprimer jusqu’à donner à ceux qui regarderont les toiles où elles seront fixées par un pinceau d’artiste la complète émotion de la vérité ?

Nous entrons à présent dans une région moins nue, où l’olivier pousse. À Moureddin, auprès d’un puits, une superbe fille rit et montre ses dents en nous voyant passer et, un peu plus loin, nous devançons un élégant bourgeois de Sousse qui rentre à la ville monté sur son âne et suivi