Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/233

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de son nègre qui porte son fusil. Il vient sans doute de visiter son champ d’oliviers ou sa vigne. Dans le chemin encaissé entre les arbres c’est un tableautin charmant. L’homme est jeune, vêtu d’une veste verte et d’un gilet rose en partie cachés sous un burnous de soie drapant les reins et les épaules. Assis comme une femme sur son âne qui trottine, il lui tambourine le flanc de ses deux jambes moulées sous des bas d’une blancheur parfaite, tandis qu’il retient, fixés à ses pieds, on ne sait comment, deux brodequins vernis qui n’adhèrent point à ses talons.

Et le petit nègre, habillé tout de rouge, court, son fusil sur l’épaule, avec une belle souplesse sauvage, derrière l’âne de son maître.

Voici Sousse.

Mais, je l’ai vue, cette ville ! Oui, oui, j’ai eu cette vision lumineuse autrefois, dans ma toute jeune vie, au collège, quand j’apprenais les croisades dans l’Histoire de France de Burette. Oh ! je la connais depuis si longtemps ! Elle est pleine de Sarrasins, derrière ce long rempart crénelé, si haut, si mince, avec ses tours de loin en loin, ses portes rondes, et les hommes à turban qui rôdent à son pied. Oh ! cette muraille, c’est bien celle dessinée dans le livre à images, si régulière