Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/34

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foison sur les pavés ont l’air d’un envahissement de la ville par les jardins.

En revenant à bord du yacht j’aperçois tout à coup, le long du quai, dans une balancelle napolitaine, sur une immense table tenant tout le pont, quelque chose d’étrange comme un festin d’assassins.

Sanglants, d’un rouge de meurtre, couvrant le bateau entier d’une couleur et, au premier coup d’œil, d’une émotion de tuerie, de massacre, de viande déchiquetée, s’étalent, devant trente matelots aux figures brunes, soixante ou cent quartiers de pastèques pourpres éventrées.

On dirait que ces hommes joyeux mangent à pleines dents de la bête saignante comme les fauves dans les cages. C’est une fête. On a invité les équipages voisins. On est content. Les bonnets rouges sur les têtes sont moins rouges que la chair du fruit.

Quand la nuit fut tout à fait tombée, je retournai dans la ville.

Un bruit de musique m’attirant me la fit traverser tout entière. Je trouvai une avenue que suivaient par groupes la bourgeoisie et le peuple, lentement, allant vers ce concert du soir, que