Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/35

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lui donne deux ou trois fois par semaine l’orchestre municipal.

Ces orchestres, sur cette terre musicienne, valent, même dans les petites villes, ceux de nos bons théâtres. Je me rappelai celui que j’avais entendu du pont de mon bateau l’autre nuit, et dont le souvenir me restait comme celui d’une des plus douces caresses qu’une sensation m’ait jamais données.

L’avenue aboutissait à une place qui allait se perdre sur la plage, et là, dans l’ombre à peine éclairée par les taches espacées et jaunes des becs de gaz, cet orchestre jouait je ne sais trop quoi, au bord des flots.

Les vagues un peu lourdes, bien que le vent du large fût tout à fait tombé, traînaient le long du rivage leur bruit monotone et régulier qui rythmait le chant vif des instruments ; et le firmament violet, d’un violet presque luisant, doré par une infinie poussière d’astres, laissait tomber sur nous une nuit sombre et légère. Elle couvrait de ses ténèbres transparentes la foule silencieuse à peine chuchotante, marchant à pas lents autour du cercle des musiciens ou bien assise sur les bancs de la promenade, sur de grosses pierres abandonnées le long de la grève, sur d’énormes